Le Parisien , lundi 06 septembre 2004
UN MORT, un blessé grave et trente-huit familles sans logement. L'explosion de lundi dernier a placé en première ligne une femme de 44 ans. Une femme à la voix douce, presque hésitante.
Mais dont le ton ne trompe pas. « Je ne me sens pas illégitime », assure celle qui, le 15 mai dernier, a remplacé, à l'hôtel de ville de Bagneux, Janine Jambu (PC), la maire démissionnaire, en fonction depuis dix-neuf ans. D'aucuns prédisaient à Marie-Hélène Amiable une succession difficile. On lui reprochait, pêle-mêle, de manquer de charisme, de ne pas renouveler son équipe municipale... L'UMP critiquait ce passage de témoin surprise sans verdict des urnes, le PS ambitionnait de faire main basse sur la ville aux prochaines élections... Aujourd'hui, critiques et menaces sont - temporairement ? - mises en sourdine. Peut-être à cause du traditionnel état de grâce, plus sûrement en raison de son comportement lors de l'explosion mortelle survenue le 30 août, dans un immeuble de la rue Claude-Debussy.
Très présente auprès des sinistrés Dès les premières minutes, elle se déplace sur les lieux du sinistre et s'emploie à limiter les dégâts. Sébastien Fleury, président de la Croix-Rouge à Bagneux, constate : « Tout ce dont j'ai eu besoin, je l'ai eu. Elle est très à l'écoute, très attentive. En même temps, elle est sûre d'elle-même, ferme et réfléchie lorsqu'elle prend une décision. » « Au-delà de l'aide apportée, elle a été présente au maximum, toute la semaine, auprès des sinistrés. C'est important qu'ils se sentent épaulés », reconnaît Bernard Faivre, le patron des socialistes au conseil municipal. Quant à elle, elle réduit sa démarche à une expression : « Mettre en place la solidarité. » Un leitmotiv pour cette fille issue d'une « famille de militants ».
« Ce n'est pas une stalinienne » Son père, cheminot, était responsable syndical de la CGT des Hauts-de-Seine puis d'Ile-de-France, sa mère s'occupait de la défense des locataires. Après une enfance passée à Montrouge, Marie-Hélène Amiable atterrit à Bagneux à la majorité « pour suivre le futur père de mon enfant ». Elle s'encarte au PC et s'investit dans le combat contre le bailleur de son quartier de la Tannerie. Remarquée par Janine Jambu, elle est élue conseillère municipale en 1989 et occupera successivement les postes d'adjointe au maire chargée de l'action sociale, du personnel communal, de la jeunesse, de la vie des quartiers. Un ancien employé municipal qui a travaillé sous ses ordres l'a décrite comme « ouverte, modérée. Ce n'est pas une stalinienne ». En septembre 2003, cette institutrice en CP arrête d'enseigner à la demande de celle qu'elle appelle encore M m e Jambu. « Elle m'avait demandé de m'investir plus dans la vie municipale. » Quelques mois plus tard, la première magistrate de la ville lui propose de lui céder sa place. Seul le fils de Marie-Hélène Amiable, aujourd'hui âgé de 18 ans, est mis dans la confidence. Après une hésitation, elle accepte la charge. « Je suis consciente que les habitants se posent des questions, sources de mécontentement. C'est une ville très populaire avec des difficultés sociales. Mon fauteuil n'est pas particulièrement confortable. » Son principal adversaire politique, Olivier Sueur (UMP), ne la juge pas trop sévèrement. « Je pense qu'elle incarne un communisme refondateur plus proche des gens. La seule question est de savoir si c'est vraiment elle qui va diriger la ville. »
Matthieu Suc
Le Parisien , lundi 06 septembre 2004